Cameroun : présidentielle 2025 : Fame Ndongo donne le ton depuis le Sud
La rencontre des fils et filles, élites du Sud, du 15 octobre 2021 est très loin d’être chose anodine dans la suite de la transmission du pouvoir au Cameroun. A un peu plus de 3 ans d’une nouvelle élection présidentielle dans le pays dirigé depuis 38 années par Paul Biya, chef de l’Etat du Cameroun réélu en octobre 2018, les élites du Sud pensent qu’il y est temps de « parler développement ». En d’autres termes, l’heure est venue pour elles de faire savoir au monde leur puissance managériale, économique, financière et de leadership social.
Le Sud n’a pas de routes à la hauteur de ses régions sœurs. Elle n’a non plus d’Université, de stade, d’aéroport, de gare ferroviaire d’où partent les voyageurs pour les autres localités du pays. Le Sud est enclavé. Bref, le listing nous fait comprendre être en plein dans ce que feu Charles Ateba Eyene a appelé « le paradoxe du pays organisateur ». Pour dire ici que la région originelle du chef de l’Etat reste après 38 ans de son pouvoir, et des centaines de fils du Sud dans la plus haute sphère de l’administration publique, l’une des plus pauvres du pays, voire la plus pauvre. Cela est-il vrai ? Que comprendre en réalité ?
Plus clairement
Certains ont vite fait de lier cet état physique lamentable de la région du Sud aux nombreux détournements de fonds que connait le pays, d’autres à la « gourmandise et à l’égoïsme des élites compradores » que regorgerait cette région, pour emprunter la phrase d’un journaliste, peut-être frustré parce que froissé, qui y est originaire. Nous pensons que ces affirmations, quoique porteuses d’une certaine vérité ne sauraient expliquer tout. Nous pensons même qu’elles induisent plutôt en erreur dans une lecture géopolitique.
Par exemple, pourquoi le chef de l’Etat Paul Biya ne s’est pas impliqué personnellement pour insuffler un développement notoire à sa région d’origine jusqu’à en faire celle qui a le moins bénéficié de ses largesses et de la redistribution équitable des fruits de la croissance ? C’est pour cela que nous pensons que les causes ou les raisons sont ailleurs. Elles sont d’ordre politique et stratégique dans la logique de la conservation du pouvoir.
Au nom du pouvoir Sud
En « négligeant » le Sud, Le Président Paul Biya a choisi la longévité de son règne écartée de toutes attaques appuyées sur le népotisme tribaliste. Pour gouverner en s’évitant la grogne issue d’une quelconque frustration venant des privilèges dont aurait bénéficié sa région, il a offert à certaines régions plus qu’à la sienne. Ceci a eu la pertinence de calmer les jouisseurs de l’Etat providence masqués sous des contestations et protestations de tout, sans comprendre le tour du maître du jeu de Songho’o.
Personne n’a jamais pu expliquer aux Camerounais clairement où sont allés les milliards détournés depuis des décennies. Pour dire que, si le Sud a été négligé, ses élites ne l’ont point été. Elles sont devenues immensément riches durant les 38 ans du règne du Président, au même titre que plusieurs élites des autres régions du pays. Par conséquent, cette région qualifiée à vue d’œil et à tort de pauvre possède à n’en pas douter les moyens humains et matériels de se développer.
Et c’est ici que cela devient intéressant, parce que le truc est que leurs richesses ne se racontent pas dans les réseaux sociaux. Pendant que certains ont pensé être les plus riches du pays, par les affaires et le petit commerce sous le contrôle pourtant des politiques, d’autres le sont devenus par le pouvoir politique, les réalisations stratégiques et, sans pour autant être les seuls dans ce dernier point, le détournement colossal des fonds publics.
Face à la douloureuse réalité
Le Sud veut conserver le pouvoir et ses fils et filles vont déterrer leurs milliards pour y arriver. Ils ont 3 ans pour y construire routes, ponts, universités, grandes écoles, places marchandes, grandes surfaces et industries agroalimentaires, réseaux de télécommunications, relever le défi de l’Eau et de l’Energie, lui faire profiter des gains de la décentralisation. Sans oublier la lutte contre le chômage des jeunes avant la présidentielle 2025. Du moins matériellement ou dans leurs têtes. Et cela ne devrait choquer personne. La prochaine élection sera encore plus démonstrative dans ce sens si le Nnom gui, le Patriarche des patriarches du Sud, S E Paul Biya, refuse de céder le pouvoir. Mais intéressante sera-t-elle si c’est plutôt le contraire qui se présente à l’avenir.
Ce rééquilibrage plus ou moins pensé a su contrer les velléités politiques de certaines personnalités que l’on a nourries avec l’idée saugrenue qu’il était temps que le pouvoir politique rejoigne un certain pouvoir économique. Seulement, face à la réalité du terrain, ils n’arrivent pas à avouer à leurs « militants et sympathisants », ce que les élections et ce qui en a suivi a prouvé par les faits, qu’au-delà de la promotion ethnique dans les médias et du culte de la personnalité dans les réseaux sociaux, les pouvoirs économique et politique ne sont pas entre les mains d’un seul groupe ethnique au Cameroun.
Rester le Sud pays organisateur
Le réveil du Sud n’est pas un « Eureka ! ». C’était prévisible même. Simplement, tout serait enfin réuni avec la décentralisation pour que les fils et filles du Grand Sud étalent leurs « immenses » richesses dans le développement des terres ancestrales. Nous entrons petit à petit dans un va-tout final au cours de ce mandat finissant de la plus illustre élite de cette région. Si les élites du Sud ne commencent pas entre fin 2021 et l’année 2022 la propagande pour la conservation du pouvoir dans la région, c’est-à-dire la chasse à l’électorat, les promesses irréalisables, le formatage des mentalités qui sont de plus en plus rebelles, l’existence des scissions au sein même des ressortissants de cette partie du pays risque la perte définitive du prestige honorifique, du sentiment légitime de la possession du pouvoir suprême de l’Etat, au bénéfice d’une autre région qui à son tour aura les mêmes sentiments de fierté.
Si naturellement cela importe peu aux populations de savoir qui est chef de l’Etat du moment où leur vie est heureuse, les élites du Sud n’envisagent pas au contraire la perte d’une présidentielle. Ces dernières pensent bien rester du pays organisateur, mais sans plus de paradoxe. Bien lire ce qui se passe au Cameroun sous ce prisme aide à comprendre la rencontre initiée par le Ministre Fame Ndongo et baptisée « Rencontre fraternelle du sud », pour non seulement faire le bilan de la région mais aussi pour lui trouver des voies et moyens de développement. Le seul hic là-dessus étant leur élan aux slogans creux et promesses électoralistes dans le seul but d’avoir le soutien des populations lors des élections prochaines, d’où pourrait venir leur perte.
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